09/12/2015

ANALYSE/CRITIQUE : HUNGER GAMES, LA RÉVOLTE - PARTIE 2 (Hunger Games : Mockingjay - Part 2 - Francis Lawrence - 2015)

REEL, PAS REEL ?

De la recherche d'une imagerie


         Les jeux recommencent toujours. Nous avions vu pour le deuxième volet d'Hunger Games (voir critique) que le film, en plus de son histoire propre, mettait notre hors champ réel de spectateur en surimpression : nous étions spectateurs à part entière de l'arène, complice du jeu pervers des écrans comme nous le sommes devant notre télé, complices du jeu factice de Katniss l'égérie, utilisée pour plaire ; le blockbuster avait toute la pleine conscience de montrer ses ficelles, et ça le faisait marrer. Nous aussi, on trouvait ça plutôt fin.


  Ici, dans cette deuxième partie de dernier volet, on nous a fait miroiter comme les studios des gros films à franchise aiment le faire, et si on pensait que c'était fini cette histoire de Jeux, que nenni ! Les Hunger Games reprennent une nouvelle fois, et sans arène, directement dans la maison mère, autrement dit le Capitole, la ville siège de Snow. Katniss le dit, tout ceci est un cercle sans fin. Une fois de plus conscient de ce jeu, on attend la conclusion; où va atterrir la flèche de Katniss cette fois-ci?



         L'espace est encore pleinement celui de l'image, avec à chaque épisode un nouvel aspect. Le précédent épisode nous proposait le making of du montage du film de propagande dont Katniss était la star, chanson à l'appui. La réflexion et l'enregistrement étaient souterrains, à l'abri dans un bunker sombre. Une héroïne en attente de la mise en lumière prochaine, et impuissante devant l'image retransmise à la télé d'un Peeta utilisé par l'ennemi.

Cartographie à l'ère du tout-voyeur
      Le combat est encore souterrain au début de ce nouveau volet : en effet, grâce au holo, un radar à pièges – sorte de Tom Tom archi balèze, et encore un moyen de décupler la vue – l'équipe de Katniss cartographie tout le Capitole, et tout est miné. La stratégie sera donc souterraine. Mais les yeux de Snow sont puissants, et il lance ses créatures à la poursuite de nos héros.
       Une fois à la surface, la ville désertée est l'espace d'un jeu vidéo : le bip du holo prévient en cas de menace, il s'agit d'éviter les pièges, on saute comme guidé par le joystick d'un joueur, attention plus qu'une vie, game over. Sauf que Snow n'a pas l'option "vue subjective" dont nous avons le privilège, et trompé par une explosion, il croit à la mort de nos héros, et s'empresse de s'en vanter en live. Ce direct to tv m'amène à penser à nos images d'info à nous, les plus récentes, celles qu'on croit vraies, celles qui disent montrer le déroulement des évènements "comme si on y était". Écran de jeux vidéos, image de masse, image politisée... L'écran est toujours omniprésent dans cet épisode, on capte même la télé dans la cave ou dans une tour à l'abandon.


« -Héééé mec ! Réveille-toi t'es pas à la télé là ! »
 Peeta, caramel mou-mou devenu guedin après trop d'abus
       Ce jeu incessant d'image dans l'image dit une modernité et une actualité. Le personnage de Peeta tout d'abord. Ce qu'il est devenu, repêché ainsi par l'ennemi, est assez intéressant. Il est un peu l'image du spectateur fou, ne sachant plus distinguer le réel du pas réel, ayant continuellement besoin d'un sous-titre pour comprendre, pour être, pour agir. Il est aussi l'image de la créature conçue par des esprits malades, une sorte de freak show à qui on fait dire des choses, à qui on donne des faux souvenirs, qu'on modifie suffisamment pour que ses gestes dépassent sa volonté, allant jusqu'à vouloir tuer. Il est le défaillant – celui qui a des failles, le drogué, le blessé de guerre, l'humain qui s'est perdu dans un système trop grand et c'est un peu pour ça que Katniss ne l'abandonne pas.

       Autre image forte, la scène des réfugiés accueillis par Snow à grand coup de « vous trouverez dans ma demeure des habits, de la nourriture » trouve un parallèle étrange avec les réfugiés dont parlent sans cesse nos médias français. Les plans de foule silencieuse, encadrée par des soldats de Snow, s'avançant comme dans un même mouvement endormi, sont assez éprouvants. Katniss est dans cette foule, cachée sous son manteau. Observatrice de cet étrange flux humain, elle se hisse un peu en hauteur (personne ne la voit) pour mieux voir les petits parachutes qui descendent lentement du ciel, alors que les soldats ont fait passer les enfants de l'autre côté de l'entrée (une sélection comme réminiscence douloureuse de choses déjà vues). Ces parachutes sont peut-être des colis-cadeaux, comme les bonus que recevaient du ciel également les participants des Hunger Games grâce à leurs sponsors ? Mais du ciel tombent des bombes, et bientôt l'égérie est en feu. Noir. Si elle meurt, que se passera-t-il ?
     Autre discours sociétal éminemment actuel, débat d'opinion : alors que Katniss voudrait ne pas répondre par la violence, ne pas utiliser les mêmes armes que Snow, Gale lui assène que « c'est la guerre » et c'est tout. Dans le fond du champ, les avions et leurs explosifs attaquent déjà le Capitole. Au premier plan, Katniss ne peut pas grand chose pour faire autrement, elle a déjà réussi à trouver un compromis à l'attaque, à savoir laisser une porte de sortie aux civils inoffensifs du Capitole, un rail de train salvateur.

Partie en cours. Il vous reste une vie.
      Katniss. Une jeune héroïne mythologique dans un monde contemporain (allez, à quelques exceptions près, c'est presque le nôtre). Elle qui la première fois dans l'arène refusait de tuer, elle qui fait baisser l'arme qui la menace avec ses seuls mots, un peu comme une Aung San Suu Kyi teenage. Elle qui s'est sacrifiée pour sa sœur, elle qui continue à aimer un Peeta traître qui a manqué de la faire crever. Le film s'ouvre sur son cou blessé, et les nombreux gros plans sur Jennifer Lawrence appuient le doute constant et la fragilité d'une héroïne malgré elle. Elle a ce pouvoir d'être un visage aimé, sur lequel les gens mettent tous leurs espoirs. Elle est le collectif, la réunion. Comme un consensus, un travelling circulaire la met au centre des gens qui alors qu'elle s'avance, l'ont reconnu et lèvent leur bras en signe de soutien. Jeune fille lambda "prise au hasard", devenue star de télé, guerrière, symbole – le geai moqueur remplace la colombe - , prix Nobel de la paix, virus dans l'ordi surprotégé de Snow... Elle appartient à tous et plus trop à elle-même, deux garçons l'aiment, elle ne choisit toujours pas entre les deux. Ici plus d'habits d'apparats, mais une caméra qui zoome, pour ancrer ce visage et le faire voir, le faire devenir grand. Au prix de l'individualité qui est là bien avant l'étendard... « je ferai tout ce que vous voulez » dit-elle à un moment. 
     
        Mais c'est mal connaître Katniss, qui va choisir qui viser de sa flèche. Dans un plan, la caméra la suit qui s'avance dans l'arène reformée, sous les tambours cérémonieux. Plus de maquillage, plus de faux discours, plus d'écrans trompeurs : Katniss est enfin maîtresse de sa propre arène, et elle laisse les spectateurs/le peuple faire de cette scène le lieu de dernier acte pour son metteur en scène infernal. Le Colisée 2015 se voit réinvesti par son public, et que disparaissent le cirque de l'enfer, l'illusion d'optique, le somnifère des consciences et de la liberté. 
       Depuis le début, depuis qu'elle s'est portée volontaire pour les Jeux, elle s'est montrée beaucoup plus intelligente et rusée que les autres. Ce qui la rend unique, et ce qui participe aussi à l'image étendard qu'elle est devenue. D'une petite force individuelle, l'Histoire a grandi.

      Rien d'étonnant alors pour moi que la scène de fin, avec ses couleurs accentuées, son air de carte postale (la belle nature, la blondeur des cheveux de Peeta et de l'enfant qui se jette dans ses bras, la robe de Katniss, sa coiffure lisse, sa posture de madone avec dans les bras un bébé tellement propret qu'il semble faux) donne à l'ensemble l'image parfaite vers laquelle tendait tout l'enjeu des Hunger Games : une recherche de perfection par l'image, une recherche de consensus. L'allure presque christique de Katniss dans cette scène de fin paraît fausse, ou excessivement kitsch ? Elle est juste devenue image d'Épinal, peinture finale d'une longue aventure; une peinture qu'on aurait restaurée de couleurs plus qu'abondantes tant elle est légendaire. Et aussi une image de blockbuster. Et au fil du temps et dans la bouche des gens, une légende est toujours plus glorifiée que la vraie histoire. Mais cette image d'Épinal se met à parler : Katniss rassure son bébé en lui disant qu'elle aussi, elle continue à faire des cauchemars, et qu'elle lui expliquera pourquoi, plus tard. Qu'en attendant, elle joue souvent à un jeu (car le jeu continue, c'est au cœur de la saga), celui de faire la liste de tous les actes de bonté auxquels elle a assisté dans sa vie.

Katniss en voie de Jésufication
"Changer les hommes avec des géraniums... lalala..."
      Quatre épisodes, ou une suite d'images multiples où le plus malin aura su déceler la plus vraie. 

CHARLOTTE

1 commentaire:

  1. Regarder un tel film sera magnifique https://voirfilmstreaming.org/5215-black-snake-2019-1.html Il y a beaucoup d'action et d'autres choses. ce qui peut vous plaire, je vous conseille donc de vous familiariser

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