03/11/2015

CRITIQUE : THE PROGRAM (Stephen Frears - 2015)

LES SEPT PÉCHÉS CAPITAUX




          Ces derniers temps Frears revient là où on ne l'attend pas. Il récidive donc en s'appuyant sur l'un des personnages les plus controversés du sport moderne : Lance Armstrong.



            Le long-métrage retrace ainsi en grande partie le parcours de cette figure emblématique du cyclisme, de son entrée au circuit professionnel en 1992, en passant par son cancer décelé en 1995, à ses 7 Tour de France gagnés d'affilée jusqu'à bien évidemment sa chute en 2013. Mais contrairement à un simple biopic (ce qui est tout à fait honorable), Frears s'est également basé sur le livre de David Walsh, Seven Deadly Sins : My Pursuit of Lance Armstrong, publié le 13 décembre 2012, illustrant son combat de près de treize années face aux pratiques de dopage mené par Armstrong et son équipe, surnommé alors à l'époque, le train bleu. Ses sept victoires au Tour de France sont notamment écrites comme ses sept péchés capitaux (Seven Deadly Sins). Ainsi on retrouve à travers le long-métrage l'aspect d'un thriller (même s'il est, par moment, maladroitement utilisé) où l'on côtoie les deux camps jouant aux chats et à la souris.

          D'un point de vue technique, la réalisation est impeccable. Frears montre toute ses qualités et expériences acquises au fil des ans. Il s'offre cependant quelques moments de folies à travers une mise en scène des plus sobres, avec de somptueux décadrages, soulignant à la fois un côté très esthétisant que souhaite donner Frears au film, mais souligne également l'égocentricité et la perte de notion de valeurs d'Armstrong. Franchement, j'ai rarement vu des décadrages aussi beaux et forts ces dernières années. C'est pas du Battlefield Earth, ça c'est sûr. 


         Au niveau du casting, le résultat est plus contrasté. Ben Foster est absolument génial dans le rôle du texan et reçoit enfin un grand rôle à la hauteur de son talent. Il n'est plus un faire valoir des grandes stars et le fait savoir. Chris O'Dowd campe un David Walsh plus que droit dans ses bottes, Denis Ménochet (Johan Bruyneel) est à la hauteur du poids du bonhomme. 

        Quant à Jesse Plemons, jeune révélation de la dernière saison de Breaking Bad, il joue un Floyd Landis brisé, déchiré par le scandale du dopage. Cependant il est, à mon sens, vu comme un personnage beaucoup trop "innocent". Frears veut que l'on s’apitoie clairement sur son sort. Dès son apparition, il est montré comme un bleu déçu de voir Armstrong, son héros, et les autres de l'équipe se doper sans aucune peine. Il regrette ce choix de facilité qu'il va aussi prendre. La vérité est quand même tout autre. Il a énormément abusé durant sa carrière des mêmes produits, a profité du système et a continué bien après le départ de Lance. Son retrait du palmarès du Tour de France 2006 est ainsi présenté en quelques secondes. Or Landis se trouvait dans une nouvelle équipe et n'avait ni Armstrong, ni Bruyneel dans son dos. Néanmoins sa chute se termine de façon intéressante (je vous en laisse la surprise) et même si je tergiverse un peu trop sur le personnage, je comprends bien la volonté du scénariste John Hodge voulant relier toutes ces situations sur un seul et même personnage secondaire. 

         En revanche, du côté de Guillaume Canet interprétant le rôle du médecin Michele Ferrari, il y a un gros problème. Un énorme même. Je n'ai pas pour habitude de tirer sur l'ambulance mais là je vais y aller avec un RPG-7. Canet est LA grosse erreur du film. Pourquoi prendre un acteur français qui ne sait même pas parler italien ni accentuer sur les bonnes syllabes au lieu de prendre un VRAI italien ? Est-ce due à la demande de StudioCanal d'avoir un casting à moitié francophone ? Peut-être. Mais le mal est fait. On dirait Jean-Michel après 3 Picons lors de l'apéro de 15h au PMU du coin un dimanche de match. Va te racheter du talent.


        Tiens en parlant de référence, on retrouve en Lance Armstrong les aspects typiques d'un personnage scorsesien, à qui tout lui réussi de prime abord, où la "rédemption" a un goût fortement amer en guise de conclusion. Tout comme Henry Hill dans Les Affranchis, il aurait continué à enfreindre les règles s'il ne s'était pas fait choper. Après tout, il est bien revenu une fois et aurait continué d'utiliser son image par pur narcissisme. On retrouve également cette influence notable dans la bande originale du film, où Frears se lâche ostensiblement (Ramones, Lemonheads, Black Rebel Motorcycle et j'en passe...).


      Mais la principale force du film selon moi est que Frears n’hésite pas à écorcher le monde du sport en général, comme le souligne la scène hallucinante, et tristement vraie, où l'UCI  (l'Union Cycliste Internationale) s'excuse auprès d'Armstrong de l'avoir contrôlé positif en 2005 et ce, bien évidemment, sans avoir publié la nouvelle. Il taille dans le lard le bonhomme. Instance, sponsors, compétiteurs, tous fermaient les yeux car Armstrong était la vitrine de ce sport, qui venait à l'époque de subir juste avant, ses heures les plus sombres. Lance devait être à la base le parangon du renouveau du cyclisme mondial. Ceci n'était qu'une farce. Depuis, ce sport fabuleux et légendaire a encore cette cicatrice qui lui colle à la peau. Elle ne pourrie plus, ne saigne plus, mais reste apparente.

Roland aka Francis Hustler

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