ENTRE CHIENS ET LOUPS
Le 25 décembre 2013 est sorti Le Loup de Wall Street de Martin Scorsese. Alors vrai cadeau de Noël ou pas ? Car Noël peut être aussi l'objet de pas mal de surprises. On demande une PS4 à sa grand-mère et on ne reçoit en retour qu'une paire de chaussettes.
Et bien le dernier Scorsese n'est ni l'un ni l'autre. Explication...
Martin Scorsese retourne chez les truands mais change d'envergure. Les gangsters sont désormais des courtiers en bourse, de véritables voyous de la finance. Au départ Le Loup de Wall Street est un livre de Jordan Belfort racontant son ascension puis sa chute. Il fut d'ailleurs condamné à 36 mois de prison pour détournement de fonds et blanchiment à la fin des années 1990. A travers les 3 heures, le film dépeint la vie d'un homme bouffi par l'argent, la drogue, le sexe,... Bref, tout ce qui rendrait addictif n'importe quel être humain (mis à part peut-être les hippies, les bouddhistes, les dépressifs, les raëliens et Bernard Henri-Lévy).
Malgré
sa durée incroyablement longue, on est nullement lassé et ce grâce
à l'efficacité de la mise en scène et du montage qui réussissent
à maintenir le niveau de plaisir. Quelques passages de moindre
importance sont tout de même magnifiés
par des idées de mise en scène et d'écriture. Simple exemple, la
séquence dialoguée
entre Jordan Belfort (Leonardo DiCaprio) et Jean-Jacques Saurel
(Jean Dujardin). En plus de l'utilisation de la voix-off qui exprime le véritable fond de pensée des personnages, la
caméra est placée
face à l'acteur. Ainsi ce plan dit subjectif nous implique
directement, au contraire d'un plan plus classique où les comédiens seraient filmés de ¾.
Scorsese joue beaucoup avec le spectateur et ce dès le début du
film, car c'est la première personne à qui s'adresse directement
Jordan Belfort. On retrouve vraiment le style de Scorsese qui a fait
sa renommée dans les années 90, dans Les
Affranchis
ou encore Casino.
Le scénario fut d'ailleurs écrit par Terrence Winter, créateur de
la série Boardwalk
Empire
et ancien scénariste de la série culte, Les
Soprano.
Autre
bonne idée de mise en scène est celle où le même événement est
réinterprété deux fois par le héros principal, une fois a jeun et
l'autre
sous substance. Ces idées permettent de booster la narration et développent également un
effet
comique et grotesque.
Car
oui, Le
Loup de Wall Street
est avant tout un
film tourné
vers la comédie. On est même proche de la potacherie. Il suffit de
voir les seconds rôles, très caricaturaux voir grossiers mais ceci
est légitime via procédé narratif (l'histoire est racontée subjectivement par le personnage
principal). Pratiquement tout est porté sur
la gaudriole, mais avec subtilité. On n'est pas dans American
Pie
non plus. De plus, cette volonté de longueur et d'excès du film
peut être également interprété comme une volonté d’écœurer
le spectateur, car pratiquement rien n'est écarté ni caché à
l'écran. Il est d'ailleurs surprenant que le film, aux États-Unis
comme en France, a réussi à passer entre les gouttes de la
censure.
Le film est à la fois très illustratif et très plaisant à regarder (et je ne dis pas ça parce qu'il y a beaucoup de nichons à mater hein, ne vous méprenez pas) mais ne développe malheureusement pas assez la vacuité de l'argent et notre comportement à travers celui-ci. Tout le problème du film vient de là : il est dénué d'un certain jugement de valeur. C'est bien ça le problème, une certaine absence de critique morale dans les frasques des personnages, laissant trop (?) de place à la comédie potache.
Pour
autant, Le
Loup de Wall Street est-il
superficiel ? Non, loin de là. À travers le long-métrage,
Martin Scorsese ne donne pas de solution, mais montre surtout que le
système financier n'a pas bougé
depuis,
et ce quoi qu'on en dise. Le film reste néanmoins une brillante
peinture de la vie des courtiers en bourse notamment grâce
à son casting absolument génial. Depuis quelques années déjà,
mais surtout depuis
Django
Unchained,
Léo se lâche totalement dans ses choix de carrière et tient
des rôles de plus en plus "borderline",
mis à part peut être dans Mensonges
d’État
de Ridley Scott et dans Gatsby
le Magnifique
de Baz Luhrmann. Le petit Léo enrichit sa palette de film en film et
il
se
rend, selon moi, d'autant plus attachant. Fini le petit garçonnet
propre sur lui-même ; c'est
devenu un homme, un vrai. Va falloir vous y
faire
les filles. Et le reste ? Comme je l'ai dit auparavant, les
seconds rôles sont caricaturaux mais demeurent néanmoins emblématiques, tels Matthew McConaughey en mentor, Jonah Hill en associé et meilleur
ami ou encore Rob Reiner dans le rôle du père de Jordan. Seul Kyle
Chandler ne tire pas son épingle du jeu. Dommage.
Du pur spectacle, très illustratif, mais néanmoins dénué d'un certain intérêt critique qui selon moi mériterait amplement d'être évoqué. A mon avis, Le Loup de Wall Street ne sera jamais aussi symbolique que la sortie du Wall Street d'Oliver Stone (même si celui-ci n'est également pas exempt de défaut). Une chose est sûre, ce n'est pas le meilleur Scorsese, mais il reste néanmoins d'une qualité supérieure à la plupart des productions cinématographiques actuelles.
Roland
aka Francis Hustler
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