18/06/2015

CRITIQUE(S) : JURASSIC WORLD (Colin Trevorrow - 2015)

ON RESSORT LES MÊMES JOUETS

Même s'ils sont tous cassés...


            Les créateurs hollywoodiens se sont souvent creusés les méninges pour nous pondre des œuvres originales et révolutionnaires, qui marquent l'Histoire du cinéma autant que l'inconscient populaire... Du moins c'était vrai en 1993, date de sortie de Jurassic Park de Steven Spielberg. A cette époque, le roi de l'entertainment méritait allègrement ce titre, les CGI réussissaient à duper nos mirettes et la furie des dinos en plastoc allait envahir tous les foyers. Que ce commerce nous semble aujourd'hui rétrospectivement bien innocent et enfantin. On en est certainement plus là aujourd'hui. Alors comment réussir de nos jours ce qui a tant marqué hier ? Comment retrouver cet émerveillement qui semble nous manquer depuis ?


        Deux suites directs (sans aucun intérêt pour ma part... oui, même le numéro 2) et vingt ans plus tard, Jurassic Park 4 (après tout, qualifions-le par son vrai nom : un numéro de série, car nous ne sommes pas des pigeons) sort en salles et en grande pompe. Tout le public qui a vieilli avec le premier volet est présent pour l’accueillir. Mais, une fois dans la salle, reccueillir ce public n'est pas chose facile. Les regards sont las et abusés par vingt ans de cinéma ultra-commercial, ultra-spectaculaire et ultra-balisé ; las des divertissements aux scènes vides de sens et de passion ; las de la surenchère des money-shots déployés tous les mois dans chaque trailer qui sont autant d'arbres qui dérobent une forêt peuplée d'immondices cinématographiques ; las des déceptions des suites trop attendus ; las du cinéma. Mais il espère toujours retrouver son regard d'enfant. 
        La question est : comment surprendre et émerveiller encore les spectateurs blasés, qui espèrent bien trop souvent en vain que dans les vieux pots on puisse toujours faire une bonne soupe ?

               Roland, aka Francis, et Charlotte se lancent tous les deux dans un constat "amer" et néanmoins contrasté, chacun à leur façon. Attention, l'un des deux abuse de tournures ordurières. Je vous laisse apprécier lequel et je tiens personnellement à m'excuser auprès des lecteurs les plus chastes et élégants... Faut avouer que le film tend un peu la perche. 

Ils se sont dépensés sans compter


         Les dinosaures sont de retour. Après un troisième opus complètement dégueulasse mais possédant la meilleure scène de l'histoire du cinéma (je parle bien évidemment de la séquence de rêve où Alan Grant voit un vélociraptor lui parler), la franchise revient sous de nouvelles couleurs, avec de nouveaux acteurs et sous la coupe d'un jeune réalisateur facilement malléable... Comme n'importe quel blockbuster actuel en fait.

           L'Indominus Rex, un dinosaure génétiquement modifié, pure création de la scientifique Claire Dearing, sème la terreur dans le fameux parc d'attraction. Les espoirs de mettre fin à cette menace reptilienne se portent alors sur le dresseur de raptors Owen Grady et sa cool attitude.

         Avant de déblatérer sur le film, je tiens à préciser une chose : je ne m'attendais pas à retrouver la magie du premier, ni à faire resurgir mon âme d'enfant qui était à l'époque ultra fan du long-métrage (à tel point que je voulais devenir paléontologue comme Alan Grant. Et puis j'ai grandi et j'ai vu le nombre d'études à faire avant d'aller sur le terrain. Chienne de vie...). Non, Jurassic World est bien dans l'univers du premier mais se pose à des années lumières de l'original.

       Cependant le film peut être vu en deux parties. La première est véritablement inspirée par l’œuvre de Spielberg. On retrouve quasiment tous les codes schématiques propres au réalisateur. Un famille en plein divorce, des enfants délaissés par leurs parents, le sentiment d'aventure, de découverte, un héros à la cool, une dose d'humour donnant de la légèreté à l'histoire etc... Là où le bas blesse c'est, qu'en à peu près autant de temps que l'original, les relations entre les personnages sont ici à peines creusés et manquent même pour la plupart d'enjeux personnels - enjeux voir absurdes (mention spéciale à Zach, le jeune ado qui ne pense qu'à draguer et penser à sa copine). Mais passées les trente minutes de mise en place, le film montre un tout autre aspect. Et putain, ils vont loin les mecs.



            Vous pensiez l'idée de dresser les Raptors absurde ? Vous n'imaginez pas à quel point le film va loin. Il est digne d'une série Z et repousse même les limites de la connerie. Jurassic World est finalement un magnifique concentré de WTF à chaque scène et monte crescendo dans la débilité profonde. Cela passe notamment par deux gamins qui réparent une jeep (qui n'a plus roulé depuis 22 ans) avec une clé à molette, à une romance torchée avec le cul, un Raptor explosé au lance roquette, une mise à mort des plus longues (tout en nous faisant un rapide cours sur le principe d'échelle alimentaire), en passant enfin par un Deus Ex-Machina grossièrement pompé sur le premier opus. Et que dire lorsque le T-Rex fait un signe de la tête au Raptor visiblement en train de se dire au-revoir, tout comme le regard tendre que lance le même Raptor envers son dresseur... A côté de cela, la scène entre Godzilla et Aaron Taylor-Johnson c'est de la merde en boîte. Prends ça dans la gueule Gareth Edwards.

             Ce qui est incroyable avec le long-métrage, c'est qu'en plus d'être filmé avec les mains d'un T-Rex, Jurassic World s'amuse avec des personnages complètements aseptisés et dont on sait dès la première seconde lequel va survivre et lequel va mourir à l'écran. Tiens, trois personnes sont bloquées dans un enclos : Owen (Chris Pratt) l'ancien Navy SEALS, un ouvrier costa-ricain et un gros tas. Devinez qui va survivre ? Et c'est comme ça durant tout le film.


           Mais entre toutes ces blagues a foison, que ce soit au niveau du dialogue ou des scènes (le ptéranodon qui tente d'emporter un bébé Triceratops), l'un des plus gros problèmes du film reste cette volonté perpétuelle de caresser le spectateur dans le sens du poil, grouillant de clins d’œil, et propose un fan service jusqu'à en vomir. Surtout que la plupart sont inutiles. Mais le film va plus loin. On reprochait d'ailleurs au premier opus d'être un produit marketing en présentant les produits directement dans le film (casquette, t-shirt...). Jurassic World va plus loin. On est dorénavant dans une ère de placement de produit et visiblement les scénaristes le savent (c'est peut-être bien la seule chose qu'ils connaissent). Du coup on se retrouve avec des méta blagues marketing, comme par exemple le naming du laboratoire de recherche par Samsung. Toi l'enfant, bienvenu dans notre société putassière. Youpi

        D'un point de vue technique, Colin Trevorrow montre bien son statut de jeune tâcheron, et ce dès son premier blockbuster. C'est plat en terme d'images, il n'y a aucune idée ni innovation dans le cadrage et mis à part deux voire trois idées quelques peu inattendues, le reste se noie dans la masse. On retrouve ce sentiment que l'on peut retrouver chez de nombreux films réalisés par de jeunes réalisateurs/auteurs récemment arrivés à Hollywood. Aucun d'entre eux ne mènent la barque. Un petit conseil pour les producteurs : si vous cherchez un réalisateur pour une suite, prenez directement un vrai tâcheron, tel Paul W.S. Anderson. Je suis sûr qu'il conviendrait parfaitement à votre ligne directrice. Concernant la bande originale, c'est l'hécatombe. Michael Giacchino ne parvenant pas à se dépêtrer de l'ombre suffocante de John Williams, il s'est donc mis en pilotage automatique avec musique aléatoire. Navrant, surtout pour un compositeur de son standing. J'avais du respect pour Giacchino mais il a quelque peu disparu depuis. Point positif, la photographie est propre avec un teint bleuté rappelant le côté froid et (surtout) cynique de ses producteurs.


     Je tiens quand même à donner une mention spéciale aux 4 crétins congénitaux qui ont écrit le film. Quatre putains de scénaristes pour écrire un nanar à 150 millions de dollars. Je trouve ça brillant. Cependant il faut quand même signaler que Steven Spielberg lui-même a demandé à ce que le scénario soit réécrit plusieurs fois. Oui, parce que détruire son héritage c'est facile (Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal) mais autant le faire avec panache. Si par moment le film assume sa connerie et son aspect ultra décérébré, Jurassic World reste un étron ultime que même les plus grands cerveaux d'Asylum n'ont pu imaginer. Les scientifiques créent un dinosaure génétiquement modifié, pour le rendre encore plus terrifiant que n'importe quel autre, décident de lui donner un camouflage comme ceux des caméléons, une ossature proche du T-Rex, la capacité communicative des Raptors et c'est parti ! Rentre dans mon fion et balance la purée ! Universal et Legendary ont cassé le game et font passer Fast and Furious 7 pour du Truffaut. Au moment d'écrire ces lignes, je suis encore béa d'admiration devant un tel niveau de connerie et abasourdi que l'on puisse faire encore pire en terme de blockbusters décervelés. Finalement, Jurassic World est une œuvre qui surfe de manière cynique sur une mode très opportuniste : aucune ambition, alors on fait dans la gaudriole grandeur nature.

       Professeur Malcolm, un commentaire à propos du film ?


FRANCIS HUSTLER


Envoyez la viande


           Une île, des dinos, deux gosses, et des adultes qui ont du mal. Et ça se fait bouffer au fur et à mesure.

          Le schéma Jurassik Park, qui mériterait d'être dans le dictionnaire, est placé, leit motiv musical à l'appui (deux spectateurs le chantaient même à l'entrée du ciné...).
          L'enfant spielbergien est bien sûr l'amorce de la narration ainsi que sa résolution. Il y a même deux camps d'inscrits dès le début : le camp des adultes, qui contient le trafiqué, l'enclos, la science et ses règles. Et le camp des enfants : le naturel, la liberté, l'humain, le lien et la transmission. D'ailleurs, dans l'équipe de techniciens qui gère le parc, le seul qui restera jusqu'au bout sera l'éternel enfant, le geek avec son tee-shirt Jurassik Park première version et ses jouets, des mini dinosaures exposés sur son bureau.

          L'héroïne est au départ dans le premier camp, et son brushing dit tout d'elle : carré lisse et strict au début du film, Claire Dearing son tailleur blanc et ses talons ne voit que par les statistiques et ne comprend pas le monde autrement que par les chiffres. Bien sûr, au contact de ses deux neveux elle va changer et passer dans le camp des enfants, - et du coup son brushing s'ondule, lol -, tout comme le personnage de Sam Neill dans le premier Jurassik qui changeait également au contact des enfants. Oscar au coiffeur/coiffeuse de Bryce Dallas Howard pour tant de clarté.
          Très vite assimilé au camp des enfants, le Ken de service, Owen (Chris Pratt), gentil gars au demeurant, s'avère plutôt doué en débrouille et surtout il comprend les dinos. On vient le chercher pour valider un nouvel enclos – un regard différent manque à cette équipe qui pense chiffres.
           Autour d'eux, les empêcheurs et les alliés : le gars au regard de fouine cherchant le fric, le bras droit sympa,... Tout cela est clair comme le nez au milieu du visage.
          Et pour cause, le schéma doit fonctionner aussi parce qu'il est clair et facile à lire.

        N'empêche, et c'est ce qui m'amène à écrire sur ce film, une grosse machine/franchise telle que celle-là, tout comme Hunger Games, devient futée dès lors qu'elle met en scène ses rouages au sein même de sa fiction. En effet, exactement comme l'objet blockbuster, le récit du film montre la recherche du profit, l'aspect commercial du divertissement, les produits dérivés (nos héros manquent de se faire bouffer dans une boutique de souvenirs), et l'aura mythique de la franchise : les enfants réparent une des voitures de l'ancien parc restées à l'abandon, et rien de mieux ne fonctionne alors. Faire du neuf avec du vieux : l'objectif de la prod de ce film, et ce qui est sous-jacent dans l'histoire que l'on suit.
          Et comme dans Hunger Games (cf. critique de Charlotte), il est amusant de voir le public pris au piège des freaks mis en pâture devant eux sur la scène : l'arène pour Katniss et sa bande, et ici le dino marin qu'on appâte comme une otarie avec un ballon pour faire vibrer les spectateurs dans les gradins, va bientôt mordre l'humaine qui passait par là – humaine qui d'autre part représente la faible garde rapprochée de deux jeunes frères n'ayant besoin que d'eux-même pour grandir.
Car dans ces films faits de prouesses numériques, on se permet de louer l'ancien et de blâmer celui qui s'entête à faire plus gros, plus grand et qui perd le contrôle. Et c'est quand même amusant.
      Le parc d'attraction, espace du divertissement et de l'enfance par excellence, est investi par des personnes pour lesquelles ces deux notions sont étrangères. Donc forcément, ça part en couille.

         Alors pourquoi ça marche, si les ficelles sont grossières et les personnages cernés si rapidement qu'ils pourraient en être ennuyeux? Eh bien, parce que l'homme aime voir le jeu dans lequel il se fait prendre, pop corn à l'appui. Et parce qu'il est fâché ou heureux de retrouver un bout d'inconscient collectif entaché de grosse nostalgie qu'est la série des Jurassik. On ne retrouve pas aisément le souvenir d'enfance, aussi fort qu'on le ressentait alors. C'est ce que Spielberg dit dans beaucoup de ses films, et c'est peut-être pour cela qu'il ne fait que produire celui-ci : SON parc a été transformé, agrandi, modernisé, il n'y a ni Jeff Goldblum, ni gelée qui tremblote, mais son cœur initial y palpite toujours, et la fable est dans tous les cas compréhensible du plus grand nombre et lui ressemble, dans les grandes lignes, toujours un peu.

CHARLOTTE  

1 commentaire:

  1. Vous devriez utiliser ce site pour regarder de bons films gratuitement et en excellente qualité https://streamingcomplet.video/ Je le recommande vivement en cas de plantage.

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