02/03/2014

ANALYSE / CRITIQUE : DALLAS BUYERS CLUB (Jean-Marc Vallée - 2014)

DEUX MILLE ET QUELQUE JOURS


Un défilé de genres, de looks, d'accoutrements et de figures - physiques et poétiques, c'est ce que l'on trouve dans le nouveau film de Jean-Marc Vallée.


L'arène et les coulisses sont en prologue, avec une scène d'introduction présentant Ron Woodroof (Matthew McConaughey) attendant son tour de rodéo.
Mais sur quelle scène sommes-nous?
Fin des années 80, le Sida fait des ravages.
Le virus comme mauvais personnage d'une pièce qui débute. Une pièce triste où les malades encore incompris sont testés avec d'hypothétiques traitements.
Rats de laboratoires presque, d'un cirque pharmaceutique où le clown triste domine. On le retrouve plusieurs fois : entraperçu dans un carton au milieu de la piste de rodéo; Rayon (Jared Leto) à demi démaquillé, perruque en moins, devant son miroir; la petite statuette de clown que regarde Ron à un moment.
C'est l'ambivalence de la figure du clown : outrancier pour faire rire, mais cachant une tristesse sous sa malchance et sa naïveté que je suis sûre même les enfants ressentent – la preuve les clowns font souvent peur aux enfants. Le clown triste est parfait pour faire voir le cinéma de Jean-Marc Vallée. Une silhouette/corps qu'on ne peut pas manquer car grossière, peinturlurée, la vie qui bouillonne derrière cette couche maquillée. L'humour et la tristesse condensés, dans une même situation.
Le clown triste de cette histoire ne veut pas de placebos, et va organiser la résistance de son côté, à sa façon. Et il est drôle comme cette figure de cirque, parce qu'il est dans l'excès.

Les corps racontent beaucoup chez Jean-Marc Vallée : on s'affirme par son corps (C.R.A.Z.Y), on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a d'inscrit sur soi et que tout le monde voit et ne peut pas s'empêcher de juger (l'enfant trisomique de Café de Flore). Des physiques marqués par la différence, comme celui de Rayone, qui se ballade fièrement devant tous mais qui une fois seul n'a plus la force « Moi je peux ne pas t'aimer... Mais toi pourquoi tu ne t'aimes pas? » demande Ron à Rayon.


Dans Dallas Buyers Club, les corps tour à tour déformés, beaux, transformés ou révélés, sont les images fortes de personnages qu'on « voit comme » dans ce que la société et les temps nous poussent à voir, puis qu'on apprend à regarder.
Voir et regarder. Deux choses différentes que nuançait déjà le réalisateur dans Café de Flore. Voir dans un premier temps, et puis regarder les interstices, les petites brèches entre les choses et les gens.

Cette ronde de visages et de corps abîmés, violentés, difficiles à regarder, on ne les trouve pas beaux, monstrueux peut-être (le visage de McConaughey qui se tord sous les plis lorsqu'il pleure pour la première fois dans la voiture). Ils nous effraient. Si maigres qu'ils en deviendraient transparents. Et puis ils se démaquillent, ils se re-maquillent, ils se trouent, ils rougissent. On les trouve beaux en fait, on voit tout ce qu'ils ont en eux. Le cowboy dégonflé devient papillon, le temps d'une scène magnifique qui bat tous les antidotes du monde.

Tant de facettes évoluant sur une scène beaucoup plus mouvementée qu'un spectacle de rodéo, avec beaucoup plus de bosses, de remous et de chutes : une vie. Il faut dompter la bête, il faut tenir plus de huit secondes, c'est le deal.
Ron a réussi le pari d'être personnage de son spectacle plus longtemps que lui prédisait le médical, et Matthew McConaughey et Jared Leto réussissent à merveille leur pari cinématographique de s'inscrire dans la suite des corps multiples développés et filmés par JM Vallée – être à la fois morts-vivants, jolis fantômes, et drôles.


DALLAS BUYERS CLUB - Etats-Unis - Jean-Marc Vallée - 2014 - avec Matthew McConaughey, Jared Leto, Jennifer Garner


CHARLOTTE

3 commentaires:

  1. Il me semble que c'est à l'école primaire qu'on apprend à faire des phrases, la grammaire, la syntaxe, toutes ces conneries là.

    Dans Dallas Buyers Club, les corps tour à tour déformés, beaux, transformés ou révélés, sont les images fortes de personnages qu'on « voit comme » dans ce que la société et les temps nous poussent à voir, puis qu'on apprend à regarder.

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  3. Je vous conseillerai de regarder des films sur ce site https://streamingcomplet.video/ J'aime ça et je pense que ça convient, car c'est gratuit.

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