Un certain temps déjà s'est
écoulé depuis mon dernier article sur le DWARF. Mille raisons à
cela, la première étant sans doute mes obligations professionnelles
ou la période estivale. Mais pas seulement. Le fait est que je n'ai
pas vu de films récemment qui s'avèrent exceptionnellement bons ou
mauvais, au point que le besoin d'écrire se fasse irrépressible.
Je ne vois pas tous les films mais
j'en regarde beaucoup et la plupart sont des séances de rattrapage,
des films que j'ai ratés en salle ou qui appartiennent à
l'histoire du cinéma – et que j'ai donc ratés en salle faute
d'être né au moment de leur sortie – et évidemment les
revisionnages de grands classiques. J'essaie également de ne pas
être sectaire et de regarder tout autant des films que je désire
voir et d'autres pour lesquels je n'ai a priori aucune appétence
mais qui m'intriguent, souvent du fait d'un succès public.
Au cours du dernier mois, j'ai
notamment regardé A Most Violent Year (de J.C. Chandor),
Ninja Turtles (de Jonathan Leibesman), Babysitting (de
Philippe Lacheau et Nicolas Benamou), Ted 2 (de Seth
McFarlane), le premier épisode de la mini-série Tut (1 h 27
l'épisode), Vice-Versa (de Pete Docter et Ronnie Del Carmen),
les Minions (de Pierre Coffin et Kyle Balda), Hercule (de
Brett Raner), Fury (de David Ayer), The Imitation Game (de
Morten Tyldum) ou encore Mississippi Burning (d'Alan Parker).
Au moins quatre ou cinq d'entre eux
m'ont donné envie d'écrire du bien. Plusieurs m'ont donné envie
d'en dire du mal. J'ai fait les deux par le passé, porté aux nues
autant que voué aux gémonies mais j'avoue qu'aujourd'hui, écrire
sur des films tellement mauvais que le papier consiste à les
descendre en flammes me fatigue.
Le cinéma prend son sens dans les
émotions qu'il suscite en nous, de cette façon de nous placer pour
une durée limitée dans une empathie si forte avec des personnages
dont nous ne savions rien que leurs destins nous touchent et nous
font vibrer sur l'ensemble de la gamme disponible dont les octaves
varient selon les films.
De fait, seuls les films qui
m'emportent ou me rebutent carrément parviennent à générer cette
envie d'écrire sur eux et de partager un point de vue, un amour ou
une rage tenace – cf. La Reine des Neiges, incroyable tas de
boue acclamé partout. Sauf qu'un grand nombre des films que je
visionne sont tièdes et Dieu sait ce qu'il fait d'eux. Que ne
fussent-ils chauds ou froids, les tièdes, il les vomit par sa
bouche.
Alors je me suis récemment reposé
la sempiternelle question sur ce qui définit un bon et un mauvais
film. La dimension éminemment subjective du problème empêche toute
réponse définitive qui ne serait de surcroît valable
qu'individuellement. L'universalité n'existe pas en ces matières.
Ce qui est cependant certain, c'est qu'il existe tout un tas de
curseurs allant de la bonne surprise, venue d'un film dont on
n'attend rien, à la déception, venue d'un film dont on attendait
beaucoup en passant par le renforcement de conviction – le "je
te l'avais bien dit", positif ou négatif.
Puisque la question de ce qui
définit un bon ou un mauvais film demeurera à jamais irrésolue –
ce qu'atteste le nouveau classement des 100 meilleurs films
américains qui place encore une fois et sans doute plus par
tradition élitiste Citizen Kane en tête devant Le Parrain
–, je vous propose donc une approche gonzo, dans une veine
journalistique tout autant que pornographique en ce qu'elle propose
un point de vue subjectif sans préliminaire et qui va s'enchaîner,
sur l'ensemble des films ou série cités ci-dessus.
Ça n'engage que moi et dire "je"
lorsque l'on ne fait que donner un avis personnel devrait être la
norme de tout critique afin de ne pas se réfugier derrière des avis
qu'ils généralisent pour tenter d'y prêter plus de poids sous les
dehors d'une monstrueuse et contrefaite universalité. C'est une
forme d'humilité.
A Most
Violent Year (de J.C. Chandor) :
Une bonne surprise portée par
d'excellents comédiens en tête desquels Oscar Isaac et Jessica
Chastain démontrent derechef tout le bien que je pense d'eux. Belle
ambiance early 80's et histoire bien tenue, si ce n'est son
dénouement qui me laisse quelque peu sur ma faim.
Ninja
Turtles (de Jonathan Leibesman) :
Exactement là où je le supposais –
au niveau d'un teenage movie d'entertainment un peu vain à
l'intrigue ultra repassée et téléphonée (quand elle ne viole pas
la mythologie TMNT) mais avec de bons moments et une Megan Fox qui
doit tout à son physique. Big Up au chara design des tortues.
Babysitting
(de Philippe Lacheau et Nicolas Benamou) :
Je ne comprends pas le succès en
salle d'un navet pareil. Je m'étais fait avoir de la même façon
avec les Kaïras dont les critiques unanimes laissaient
présager un film pas si mal. Je trouve ça dramatiquement mal mis en
scène, mal filmé (malgré le refuge bien pratique du film
footage qui bousille toute dramaturgie au passage) et surtout
invraisemblable au possible très mal joué (avec une mini exception
pour Alice David). Vannes usées, déroulement téléphoné et morale
bien dégoulinante comme il se doit dans le genre.
J'ai quand même ri une fois. C'est
toujours une fois de plus qu'en regardant Qu'est-ce qu'on a fait
au bon dieu ?
Ted 2
(de Seth McFarlane) :
À mon sens mieux réussi que le
premier du fait d'un propos et d'un parcours plus intéressants pour
les personnages. Le film ne bénéficie plus de l'effet de surprise
mais passe le test sans le moindre problème, utilisant même
l'absence de Mila Kunis pour cause de grossesse comme un élément
moteur de l'histoire, proposant la place à une Amanda Seyfried en
grande forme.
L'humour demeure dans la veine du
travail de McFarlane – dont je suis on ne peut plus fan lorsqu'il
s'agit de Family guy et d'American Dad – avec ce
qu'il faut de potacheries et de références à la pop culture.
Immense caméo de Liam Neeson.
Accessoirement, la qualité du
travail de CGI sur Ted pose un jalon dont beaucoup devrait s'inspirer
au lieu de faire des dinosaures tout dégueulasses.
Tut
(S1E1 / 3) :
Une purge.
Vice-Versa
(de Pete Docter et Ronnie Del Carmen) :
Une déception.
De grandes espérances pour ce que chacun annonce (comme à chaque
nouveau Pixar) comme le "meilleur Pixar de tous." J'en
doute fortement. Qu'on s'entende : le film n'est pas mauvais, loin de
là, surtout comparé au très fade Minions mais il s'avère
bien en-deçà de ce que pouvait promettre la bande annonce. La faute
à une intrigue mal ficelée et trop simpliste, ultra prévisible et
à un mauvais choix de protagonistes. Le concept proposé est
intéressant mais me semble fort mal exploité, proposant une
architecture bancale qui manque de cohérence.
Un auteur de
ScriptMag résume plutôt bien ce que j'en pense ici (pour
les anglicistes, ça vaut vraiment le
coup):
Les Minions
(de Pierre Coffin et Kyle Balda) :
Mini déception
dans la mesure où je n'en attendais pas grand-chose. La bande
annonce utilise comme souvent les meilleurs gags et ce qui faisait la
fraîcheur des minions (des parenthèses comme l'est Scrat dans L'Âge
de glace) s'évapore du fait d'une omniprésence qui me tape sur
les nerfs. Une heure et demie de blabla minion, ce n'est non
seulement pas drôle mais c'est même carrément lourdingue. Ajoutez
une histoire de faible intérêt avec pourtant de bonnes prémices et
une voix off qui couvre la plus longue introduction de l'histoire du
cinéma (ben oui, quand les personnages ne parlent pas, ce n'est pas
si simple de faire passer les infos au spectateur n'est-ce pas ?
Revoir Shaun le mouton pour un exemple réussi) et vous
obtenez une machine marketing dénuée de son essence. Dispensable.
Hercule (de
Brett Ratner) :
Une bonne
surprise et plutôt un bon film pour le genre téléphoné qu'il
représente. Dwayne Johnson en forme, Ian McShane en roue libre et un
choix intelligent : faire d'Hercule un humain dont la réputation de
demi-dieu a été forgée pour servir ses desseins de mercenaires.
Efficace sans être génial.
Fury (de
David Ayer) :
Excellente
surprise que le film du scénariste de Training Day. Si
certains fustigeront le caractère parfois fantaisiste de la
reconstitution historique, le film n'en demeure pas moins l'un des
premiers à montrer la guerre depuis l'intérieur d'un char. Les
membres de l'équipage sont attachants et parfaitement incarnés par
des comédiens inspirés (à commencer par Brad Pitt, John Bernthal
et Shia LeBoeuf).
L'image est
magnifique, le montage et la mise en scène tout autant et le film
propose quelques séquences d'anthologies. Ça sent l'huile, la
rouille et la campagne teutonne.
Mentions
spéciales à Jason Isaacs (qui en à peine quelques apparitions
charismatiques démontre qu'il peut jouer autre chose que Lucius
Malfoy) ainsi qu'à Alicia von Rittberg, belle à en vendre son âme
en solde.
The
Imitation Game (de Morten Tyldum) :
Excellent film qui met en lumière
une étape passionnante et fondamentale de la seconde guerre mondiale
mais sacrifie néanmoins à une forme quelque peu classique de
biopic. Benedict Cumberbatch démontre l'étendue de son jeu en
disparaissant littéralement derrière son personnage. Keira
Knightley s'affirme une fois encore comme une comédienne de talent.
Mississippi Burning (d'Alan
Parker) :
Un film essentiel sur une période
sensible des États-Unis à laquelle les événements récents à
Ferguson et Baltimore proposent un étrange écho. Willem Dafoe et
Gene Hackman sont parfaits.
J'ai regardé
un bon nombre de films avec Gene ces derniers temps (Conversation
Secrète, Impitoyable, Get Shorty ou encore French
Connection) et je dois dire que ce garçon est ce que l'on
appelle un monstre sacré dont les performances sont incroyablement
variées et incroyablement justes, avec ce qu'il faut de vie et un
charisme sans faille. Si les cinéphiles ne sont plus à convaincre,
le grand public devrait néanmoins se rappeler que l'homme est aussi
incontournable que De Niro, Pacino ou Brando – peut-être que s'il
s'appelait Hackmano… ?
Red_Fox
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