14/09/2015

BILLET D'HUMEUR

      Un certain temps déjà s'est écoulé depuis mon dernier article sur le DWARF. Mille raisons à cela, la première étant sans doute mes obligations professionnelles ou la période estivale. Mais pas seulement. Le fait est que je n'ai pas vu de films récemment qui s'avèrent exceptionnellement bons ou mauvais, au point que le besoin d'écrire se fasse irrépressible.

     Je ne vois pas tous les films mais j'en regarde beaucoup et la plupart sont des séances de rattrapage, des films que j'ai ratés en salle ou qui appartiennent à l'histoire du cinéma – et que j'ai donc ratés en salle faute d'être né au moment de leur sortie – et évidemment les revisionnages de grands classiques. J'essaie également de ne pas être sectaire et de regarder tout autant des films que je désire voir et d'autres pour lesquels je n'ai a priori aucune appétence mais qui m'intriguent, souvent du fait d'un succès public.
     Au cours du dernier mois, j'ai notamment regardé A Most Violent Year (de J.C. Chandor), Ninja Turtles (de Jonathan Leibesman), Babysitting (de Philippe Lacheau et Nicolas Benamou), Ted 2 (de Seth McFarlane), le premier épisode de la mini-série Tut (1 h 27 l'épisode), Vice-Versa (de Pete Docter et Ronnie Del Carmen), les Minions (de Pierre Coffin et Kyle Balda), Hercule (de Brett Raner), Fury (de David Ayer), The Imitation Game (de Morten Tyldum) ou encore Mississippi Burning (d'Alan Parker).


     Au moins quatre ou cinq d'entre eux m'ont donné envie d'écrire du bien. Plusieurs m'ont donné envie d'en dire du mal. J'ai fait les deux par le passé, porté aux nues autant que voué aux gémonies mais j'avoue qu'aujourd'hui, écrire sur des films tellement mauvais que le papier consiste à les descendre en flammes me fatigue.
      Le cinéma prend son sens dans les émotions qu'il suscite en nous, de cette façon de nous placer pour une durée limitée dans une empathie si forte avec des personnages dont nous ne savions rien que leurs destins nous touchent et nous font vibrer sur l'ensemble de la gamme disponible dont les octaves varient selon les films.
      De fait, seuls les films qui m'emportent ou me rebutent carrément parviennent à générer cette envie d'écrire sur eux et de partager un point de vue, un amour ou une rage tenace – cf. La Reine des Neiges, incroyable tas de boue acclamé partout. Sauf qu'un grand nombre des films que je visionne sont tièdes et Dieu sait ce qu'il fait d'eux. Que ne fussent-ils chauds ou froids, les tièdes, il les vomit par sa bouche.
      Alors je me suis récemment reposé la sempiternelle question sur ce qui définit un bon et un mauvais film. La dimension éminemment subjective du problème empêche toute réponse définitive qui ne serait de surcroît valable qu'individuellement. L'universalité n'existe pas en ces matières. Ce qui est cependant certain, c'est qu'il existe tout un tas de curseurs allant de la bonne surprise, venue d'un film dont on n'attend rien, à la déception, venue d'un film dont on attendait beaucoup en passant par le renforcement de conviction – le "je te l'avais bien dit", positif ou négatif.
      Puisque la question de ce qui définit un bon ou un mauvais film demeurera à jamais irrésolue – ce qu'atteste le nouveau classement des 100 meilleurs films américains qui place encore une fois et sans doute plus par tradition élitiste Citizen Kane en tête devant Le Parrain –, je vous propose donc une approche gonzo, dans une veine journalistique tout autant que pornographique en ce qu'elle propose un point de vue subjectif sans préliminaire et qui va s'enchaîner, sur l'ensemble des films ou série cités ci-dessus.
      Ça n'engage que moi et dire "je" lorsque l'on ne fait que donner un avis personnel devrait être la norme de tout critique afin de ne pas se réfugier derrière des avis qu'ils généralisent pour tenter d'y prêter plus de poids sous les dehors d'une monstrueuse et contrefaite universalité. C'est une forme d'humilité.


A Most Violent Year (de J.C. Chandor) :
     Une bonne surprise portée par d'excellents comédiens en tête desquels Oscar Isaac et Jessica Chastain démontrent derechef tout le bien que je pense d'eux. Belle ambiance early 80's et histoire bien tenue, si ce n'est son dénouement qui me laisse quelque peu sur ma faim.
Ninja Turtles (de Jonathan Leibesman) :
   Exactement là où je le supposais – au niveau d'un teenage movie d'entertainment un peu vain à l'intrigue ultra repassée et téléphonée (quand elle ne viole pas la mythologie TMNT) mais avec de bons moments et une Megan Fox qui doit tout à son physique. Big Up au chara design des tortues.
Babysitting (de Philippe Lacheau et Nicolas Benamou) :
      Je ne comprends pas le succès en salle d'un navet pareil. Je m'étais fait avoir de la même façon avec les Kaïras dont les critiques unanimes laissaient présager un film pas si mal. Je trouve ça dramatiquement mal mis en scène, mal filmé (malgré le refuge bien pratique du film footage qui bousille toute dramaturgie au passage) et surtout invraisemblable au possible très mal joué (avec une mini exception pour Alice David). Vannes usées, déroulement téléphoné et morale bien dégoulinante comme il se doit dans le genre.
J'ai quand même ri une fois. C'est toujours une fois de plus qu'en regardant Qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu ?


Ted 2 (de Seth McFarlane) :
      À mon sens mieux réussi que le premier du fait d'un propos et d'un parcours plus intéressants pour les personnages. Le film ne bénéficie plus de l'effet de surprise mais passe le test sans le moindre problème, utilisant même l'absence de Mila Kunis pour cause de grossesse comme un élément moteur de l'histoire, proposant la place à une Amanda Seyfried en grande forme.
       L'humour demeure dans la veine du travail de McFarlane – dont je suis on ne peut plus fan lorsqu'il s'agit de Family guy et d'American Dad – avec ce qu'il faut de potacheries et de références à la pop culture. Immense caméo de Liam Neeson.
     Accessoirement, la qualité du travail de CGI sur Ted pose un jalon dont beaucoup devrait s'inspirer au lieu de faire des dinosaures tout dégueulasses.
Tut (S1E1 / 3) :
       Une purge.
Vice-Versa (de Pete Docter et Ronnie Del Carmen) :
     Une déception. De grandes espérances pour ce que chacun annonce (comme à chaque nouveau Pixar) comme le "meilleur Pixar de tous." J'en doute fortement. Qu'on s'entende : le film n'est pas mauvais, loin de là, surtout comparé au très fade Minions mais il s'avère bien en-deçà de ce que pouvait promettre la bande annonce. La faute à une intrigue mal ficelée et trop simpliste, ultra prévisible et à un mauvais choix de protagonistes. Le concept proposé est intéressant mais me semble fort mal exploité, proposant une architecture bancale qui manque de cohérence.
Un auteur de ScriptMag résume plutôt bien ce que j'en pense ici (pour les anglicistes, ça vaut vraiment le coup):




Les Minions (de Pierre Coffin et Kyle Balda) :
     Mini déception dans la mesure où je n'en attendais pas grand-chose. La bande annonce utilise comme souvent les meilleurs gags et ce qui faisait la fraîcheur des minions (des parenthèses comme l'est Scrat dans L'Âge de glace) s'évapore du fait d'une omniprésence qui me tape sur les nerfs. Une heure et demie de blabla minion, ce n'est non seulement pas drôle mais c'est même carrément lourdingue. Ajoutez une histoire de faible intérêt avec pourtant de bonnes prémices et une voix off qui couvre la plus longue introduction de l'histoire du cinéma (ben oui, quand les personnages ne parlent pas, ce n'est pas si simple de faire passer les infos au spectateur n'est-ce pas ? Revoir Shaun le mouton pour un exemple réussi) et vous obtenez une machine marketing dénuée de son essence. Dispensable.
Hercule (de Brett Ratner) :
    Une bonne surprise et plutôt un bon film pour le genre téléphoné qu'il représente. Dwayne Johnson en forme, Ian McShane en roue libre et un choix intelligent : faire d'Hercule un humain dont la réputation de demi-dieu a été forgée pour servir ses desseins de mercenaires. Efficace sans être génial.
Fury (de David Ayer) :
     Excellente surprise que le film du scénariste de Training Day. Si certains fustigeront le caractère parfois fantaisiste de la reconstitution historique, le film n'en demeure pas moins l'un des premiers à montrer la guerre depuis l'intérieur d'un char. Les membres de l'équipage sont attachants et parfaitement incarnés par des comédiens inspirés (à commencer par Brad Pitt, John Bernthal et Shia LeBoeuf).
      L'image est magnifique, le montage et la mise en scène tout autant et le film propose quelques séquences d'anthologies. Ça sent l'huile, la rouille et la campagne teutonne.
    Mentions spéciales à Jason Isaacs (qui en à peine quelques apparitions charismatiques démontre qu'il peut jouer autre chose que Lucius Malfoy) ainsi qu'à Alicia von Rittberg, belle à en vendre son âme en solde.

The Imitation Game (de Morten Tyldum) :
      Excellent film qui met en lumière une étape passionnante et fondamentale de la seconde guerre mondiale mais sacrifie néanmoins à une forme quelque peu classique de biopic. Benedict Cumberbatch démontre l'étendue de son jeu en disparaissant littéralement derrière son personnage. Keira Knightley s'affirme une fois encore comme une comédienne de talent.

Mississippi Burning (d'Alan Parker) :
     Un film essentiel sur une période sensible des États-Unis à laquelle les événements récents à Ferguson et Baltimore proposent un étrange écho. Willem Dafoe et Gene Hackman sont parfaits.
    J'ai regardé un bon nombre de films avec Gene ces derniers temps (Conversation Secrète, Impitoyable, Get Shorty ou encore French Connection) et je dois dire que ce garçon est ce que l'on appelle un monstre sacré dont les performances sont incroyablement variées et incroyablement justes, avec ce qu'il faut de vie et un charisme sans faille. Si les cinéphiles ne sont plus à convaincre, le grand public devrait néanmoins se rappeler que l'homme est aussi incontournable que De Niro, Pacino ou Brando – peut-être que s'il s'appelait Hackmano… ?

Red_Fox

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