TOIT GLISSANT
Samba Triste
Nakache et Toledano sont drôles, ils l'étaient déjà dans Tellement proches (2009) et Intouchables (2011).
Samba est très drôle, mais, si le film reste populaire, et présenté comme la comédie de l'année, il mérite un peu plus d'attention.
Un long travelling démarre sur une pièce montée de mariage pour aller chercher, en cuisine, Samba (Omar Sy) à la plonge. La promesse du gâteau, on l'aura peut-être. Pour le moment, il va s'agir de voir se débattre un personnage avec une identité qui pose problème (Samba est sans-papiers). Alors qu'en général dans les comédies, les personnages sont très vite caractérisés, ici Samba tangue. Il sait qui il est, mais a juste peur de l'oublier, tant les fausses cartes d'identités achetées en douce réinventent chaque fois ses prénoms. De même pour Wilson (Tahar Rahim), camarade d'infortune, qui peut faire brésilien mais aussi chinois, au choix.
Dès le départ la problématique du pays d'appartenance, du lieu où être, de la voie à emprunter, est posée par ce plan qui voit Samba attendre le métro, alors que le nom de la station « Rome » s'affiche en haut de l'image. On lui murmurerait qu'il n'est pas à sa place, précisément dans ce lieu de passage où fourmille toute la population de Paris et d'ailleurs.
Si le duo Samba/Wilson est parfait dans la mécanique du tandem clownesque dans cette scène où suspendus dans une nacelle ils lavent les vitres d'un immeuble, casque jaune, casque rouge qui se découpent sur le ciel de Paris, alors qu'ils évoquent l'inconscient collectif d'une boisson populaire (Coca), c'est plus au moment où les choses se gâtent (les flics se ramènent) que le duo prend de la profondeur. Ils s'enfuient de l'échafaudage où ils travaillaient et atterrissent sur un toit. Sur les toits de Paris, en chaussettes, c'est dangereux et ça glisse, Samba est pris de vertige. Si la drôlerie est encore présente, on oscille vers ce qui attend les deux personnages si ils perdent l'équilibre – il est beaucoup question d'équilibre dans le film. Au dessus des rues et loin des regards, on redevient soi (Wilson dévoile son faux brésilien).
Si l'équilibre est une des caractéristiques de la situation dans laquelle se trouve Samba, il est aussi inhérent à la relation des personnages entre eux. Quand une, Alice (Charlotte Gainsbourg), a « lâché la rampe » au moment où le travail engloutissait sa vie et la faisait disparaître de manière imagée, un autre, Samba, réussit à agripper la rambarde pour ne pas tomber et se noyer de manière concrète. Aucun ne voudrait disparaître. Il est joli de voir deux personnages d'une comédie française "romantico-dramatique" réussir à relever les épaules et la tête.
Et comme les dieux du cinéma sont généreux, ils mettent sur le même chemin des héros en déséquilibre donc, en recherche d'un poids suffisant pour faire pencher la balance. Et la magie d'un mélodrame (si l'on part du principe que Samba n'est pas forcément dans la case dans laquelle le mettent les médias), quand il est bien construit, est de faire s'entrelacer d'une jolie manière les liens entre les personnages dans l'image. Comme dans ces deux plans où l'on quitte Alice murmurant « Samba Cissé » devant les photos dudit Samba, et que son murmure, en off, vient trouver Samba dans son centre de rétention, qui s'avance vers les gardiens en disant « J'ai entendu mon nom ». Oui, oui, les deux se sont entendus. C'est le pouvoir d'un récit au cinéma, il crée des échos, entendus seulement de nous spectateurs.
Une situation de hasard et de chance, où les postes se trouvent à la pêche, distribués à la va-vite par la fenêtre d'une camionnette, quand certains se ruent sur des habits pendant les soldes, d'autres tendent leur fausses cartes d'identités pour obtenir un travail temporaire. Cette ronde étrange de bras qui attendent est accompagnée par le magnifique morceau de Ludovico Einaudi, "Experience", entendu dans Mommy, également à l'affiche dans les salles. Là où chez Xavier Dolan, le morceau est comme le mouvement qui accompagne la rêverie d'un personnage qui s'imagine un meilleur destin, une fin heureuse, dans Samba, il est l'accent de l'instabilité et partage ce même questionnement quant à la suite de l'histoire.
L'équilibre se trouve pour finir dans le casting, d'un film qui pour une fois ("enfin !" aurais-je envie de crier) profite, exploite et observe ses talents. Ces notions de bascule, de soutien, de danse, les deux acteurs principaux se les renvoient à merveille, Omar rendant joyeux Charlotte, Charlotte tempérant le regard d'Omar. Lui est drôle et grave, elle est perdue et en demande, les deux tout en gradation, piqués de colère subite, d'humour tendre, au contact de l'autre et des autres (Tahar Rahim et Izia Higelin également fantastiques, et dans la cohérence de personnages fonctionnant en duos).
C'est bien les comédies, quand les choses paraissent faciles -
« Tu créeras ton prénom et les gens penseront que tu aimes danser »
SAMBA - France - Eric Toledano et Olivier Nakache - 2014 - avec Omar Sy, Charlotte Gainsbourg, Tahar Rahim, Izia Higelin,...
Charlotte
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