CRITIQUE : CAPTAIN AMERICA - LE SOLDAT DE L'HIVER (Captain America : The Winter Soldier - Anthony et Joe Russo - 2014)

SONS OF LIBERTY

Solid Captain vs. Liquid Soldier

      A l'occasion de la sortie en DVD/blu-ray du film, Francis Hustler aka Roland revient sur le neuvième opus de la franchise Marvel, sorti au cinéma en mars 2014. Francis, c'est à vous mon bon !

Rapport de mission : 
Après les événements de New York, Steve Rogers, alias Captain America, vit désormais à Washington, s’efforçant à s'adapter au monde moderne tout en travaillant pour le S.H.I.E.L.D. 
Mais lorsque l'un de ses collègues se fait tuer, Steve se retrouve au cœur d'un complot qui le dépasse totalement...

Je ne vais pas y aller par quatre chemins, The Winter Soldier est clairement un film à contre courant dans le cycle Marvel. Producteur de toute la saga cinématographique depuis 2008, Kevin Feige avait annoncé la Phase 2 comprenant Iron Man 3, Thor 2,  Captain America 2, Les Gardiens de la Galaxie et Avengers 2 comme un univers plus noir et "réaliste". On se dirigerait donc vers une orientation moins lisse et aseptisée, comme ce fut le cas durant la première Phase. Cependant, Thor 2 n'était qu'un vulgaire pétard mouillé, tandis que Iron Man 3 n'a qu'à moitié répondu aux attentes. The Winter Soldier, lui, atteint enfin les objectifs promis.
      Ce n'était pourtant pas gagné d'avance. Concernant le duo de réalisateurs, le choix fut plus que déroutant. Plus connus pour leurs travaux à la télévision (l'excellente comédie Community et également Happy Ending) qu'au cinéma (Bienvenue à Collinwood, Toi moi et Duprée), les frères Russo n'ont jamais prouvé une quelconque capacité à diriger un blockbuster, riche en action qui plus est. Et pourtant le miracle a bien lieu. Je le répète: le film tient toutes ses promesses. Il remplit non seulement son cahier des charges, mais transcende aisément son cadre de simple superproduction pour devenir ni plus ni moins que l'un des meilleurs films de Marvel Studios à ce jour.

Si le film est une réussite, il tient en partie du fait que les frères Russo connaissent bien les comics. Ils maîtrisent les codes de l'actioner tout en gardant "les pieds sur terre". Le scénario, rend hommage aux travaux d'Ed Brubacker. Celui-ci fait d'ailleurs une apparition des plus subtiles. Je profite de cette occasion pour vous conseiller The Winter Soldier, version papelard, qui dépoussière de la plus belle des manières le héros à la bannière étoilée.  Ce dernier remet en doute son combat. L'intrigue fait la part belle au complot, secrets et autres trahisons au cœur du S.H.I.E.L.D. Le film s'inspire notamment des bons vieux thrillers des années 70. Ce n'est d'ailleurs pas anodin de constater la présence de Robert Redford au casting, qui a de beaux joyaux bien paranos à son palmarès (Les Trois Jours du Condor, Les Hommes du Président). Ainsi, le film dévoile au fur et à mesure que le véritable ennemi ne vient pas de l'extérieur mais du S.H.I.E.L.D, corrompu de l'intérieur par une organisation ayant jadis combattu Captain America : l'Hydra.

Captain America : The Winter Soldier est d'autant plus surprenant que le long-métrage reste estampillé Disney, entreprise s'adressant généralement aux enfants. Il fut même classé PG-13 aux États-Unis. Les meurtres sont visibles, les héros sont plus occupés à sauver leur peau qu'à aider les civils ou sortir des punchlines grotesques. Bref ! On est loin du ton old school de Johnston... et je dirais même à mille lieux du film "Fisher-Price" de Whedon. 

Sur le plan technique, la direction de la photographie est claire. Quasiment tout le film se déroule de jour, sous un ciel bleu pur, contrastant abondamment avec le chaos rampant sur terre. Le montage est d'une lisibilité exemplaire pour tout actioner moderne. Les effets visuels numériques sont réduits au strict minimum et laisse la part belle au traditionnelles cascades. Tout est mis en place pour donner un cadre réaliste au propos, ainsi qu'aux personnages et leurs enjeux. Chris Evans porte à merveille le vrai Steve Rogers des comics, dont la force ne vient pas uniquement de ses "pouvoirs" mais aussi de sa conviction à faire passer ses principes moraux avant tout. Concernant le reste du casting, les réactions sont plus ou moins variées. Samuel L. Jackson semble plus impliqué qu'auparavant. Il a peut-être enfin quelque chose à "jouer", il faut dire. Anthony Mackie (Le Faucon) s'en sort plutôt bien. Scarlett Johansson (Black Widow) sert à 90% du temps de faire valoir au Captain, et Emily VanCamp (Sharon Carter, un personnage pourtant essentiel du comics) n'est visiblement présente que pour tâter le terrain précédent Captain America 3. Le Soldat de l'hiver (interprété par Sebastian Stan, alias Bucky Barnes, secret de polichinelle pour personne) pète la classe. Dommage que sa participation reste aussi minimaliste. 

A défaut d'être parfaitement maîtrisé ou original, Captain America : The Winter Soldier est un film à la fois intelligent et généreux. Le film évoque notamment le cinéma de McTiernan,  développe, de manière intelligente, l'univers cinématographie Marvel (la fin du S.H.I.E.L.D., idée sacrement couillu car l'agence servait de liens entre les films. Dorénavant ils vont devoir trouver autre chose) et fait également référence à la saga vidéo ludique d'Hideo Kojima, Metal Gear Solid. Les frères Russo ont réussi leur coup, offrant crédibilité et sincérité à la saga et à un personnage qui en avait grandement besoin. Je persiste et signe, ils ont tout simplement délivré le meilleur film de Marvel Studios après Les Gardiens de la Galaxie. Et puis quand un film sort la réplique culte de War Games, il est impossible de rester de marbre.

CAPTAIN AMERICA : THE WINTER SOLDIER - Etats-Unis - Anthony et Joe Russo - 2014 - avec Chris Evans, Scarlett Johansson, Samuel L. Jackson, Sebastian Stan et Robert Redford.

Roland aka Francis Hustler