A pas feutrés sur la
ligne de vie
Chouette, on est ravis
d'apprendre que Merrill, Graham, Bo et Morgan ont des descendants, et
qu'ils vagabondent dans les décors et motifs connus et reconnus du
film à sursauts, pour notre plus grande jubilation, puisque le tout
est parfaitement fait et joliment montré.
Une séquence d'ouverture
fabuleuse où tout est là : un monde dévasté, plongé dans le
silence car le bruit est devenu danger mortel. Une famille, à la
file indienne, ayant réussi à trouver malgré tout un équilibre, réinventant la vie avec une autre mélodie : éviter les feuilles mortes au sol, marcher à petits pas dans
l'escalier, jouer avec des pions de tissus. Et déjà, la famille en
question est extra-ordinaire : grâce à la surdité de la petite
fille, ils ont d'emblée un avantage, un langage commun. Elle sera la
clé, comme Bo avant elle. Sauf qu'ici la famille ne fait pas naître
les monstres de par son mal être comme dans le film de Shyamalan
(Signes bien sûr, allons), les bêtes sont déjà là et la
family va très bien, merci. Mais il s'agit encore une fois de la
confronter à l'épreuve. La force de la survie sera en son sein même
: le handicap de la fillette se révèle donc un atout, et très vite, un don. C'est même une étrange dissonance tout autant qu'une similarité qui se dessine, quand les créatures aveugles n'ont que leur ouïe,
surdéveloppée, alors qu'elle ne l'a jamais eu. Formidable manière de
marquer le monstre et l'enfant en une sorte de symétrie trouble.
A quoi ressemble une vie
sur le fil, à pas feutrés, à quoi ressemble un monde de silence ?
Peut-on seulement l'imaginer, à l'heure des villes, de l'hyper
technologique ? D'ailleurs la scène où la mère regarde les écrans
de surveillance évoque ce sujet, tel un spectacle ironique. Où vont
les rires, les chants, les mots quand ils sont proscrits ? Le film
égrene une poésie des souvenirs, ces choses qu'on a vues partir,
ces musiques d'avant, le langage à réinventer, une oasis –
cascade ici – à trouver comme salut. L'apocalyptique poétique,
l'on pourrait dire, dans cette mouvance d'un genre survivaliste à la
mode (et c'est tant mieux car on aime bien) : l'efficacité du
suspens couplé à tout ce qui sous-tend ce monde de mutisme.
Finalement, la présence de ce cher Michael Bay à la production est
un peu le jeté d'épices sur les lignes lyriques de Krasinski.
Ingrédients sponsorisés frousse qui n'ont plus besoin de faire leur
preuve, lampe torche, escaliers qui grincent, cave, champ de maïs –
c'est le jardin et la maison des Graham and co, on vous dit -, femme enceinte, etc
; face à cette néo famille pieds nus et ces monstres – Démorgorgon de Hawkins, Alien de qui vous savez, peu importe, ils
sont figure et miroir, comme tout bon monstre qui se respecte, voilà
pourquoi on jubile !
… et vive le maïs !
#cinqfruitsetlégumesparjour
Charlotte